Philippe JARRE 1879-1946

 

Copie de l'article du Journal des Géomètres-Experts Français de 1946.

Nécrologie.

Au moment où le Congrès National des Géomètres tenu à l'occasion de la promulgation de la loi sur l'Ordre des Géomètres-Experts allait s'ouvrir, une nouvelle douloureuse et pénible nous parvenait, notre confrère Philippe Jarre venait de mourir. Ce deuil pesa beaucoup sur les manifestations et ses obsèques à Saint-Etienne-du-Mont furent suivies par la majeure partie des géomètres venus à Paris nombreux. Des allocutions furent prononcées par MM. René Danger au nom de la corporation, Maillard au nom de la Chambre des Géomètres et Topographes de la Seine et le président des Savoyards de Paris.

Voici une note biographique que nous consacrons à l'un des meilleurs ouvriers de la renaissance professionnelle depuis près de quarante ans. Philippe Jarre est né à Moutier, en Savoie, en 1879. Il appartenait à une famille de magistrats et officiers ministériels. Il en avait conservé le calme, la dignité, l'esprit de conciliation. Des Allobroges, il avait recueilli la stature, l'esprit tenace, laborieux, l'optimisme. Après de bonnes études secondaires, il entrait à la plus élevée des écoles techniques de France : l'Ecole Polytechnique. A la sortie de cette école, il fait l'heureuse rencontre d'un autre savoyard, dont le nom est resté célèbre en topographie, Sanguet, l'inventeur du tachéomètre. Il devient son élève préféré, son gendre et son continuateur. Il poursuit une carrière professionnelle remarquablement remplie, dont nous soulignerons tout à l'heure quelques étapes.

Mais nous voulons pour l'instant le suivre dans sa vie de citoyen. Il est, avant 1914, officier d'artillerie de réserve. Il fait la guerre de 1914-18, d'abord au front où il gagne la croix de guerre et la croix de la Légion d'honneur, puis à l'Ecole d'application de Fontainebleau où il est professeur de Topographie, enfin à l'Ecole des Officiers americains à Saumur, qu'il organise et dirige.

Pendant l'entre-deux guerres il poursuit conjointement sa profession et ses devoirs militaires et malgré son âge et son mauvais état de santé, il est mobilisé en 1939 commandant d'Etat-major à la première armée. Qu'on nous permette déjà de constater dans cette partie de son existence son sentiment élevé du devoir.

Dès son début dans la profession M. Sanguet lui a inculqué son enthousiasme et sa foi dans la profession de géomètre topographe. Il l'entraîne dans les réunions corporatives. C'est là que vers 1910 nous le rencontrons dans les manifestations professionnelles. En 1920 c'est lui qui le premier rassemble toutes les sociétés et chambres françaises et prend la présidence de l'Union des Géomètres-experts français. Quelques années après il devient le président de la Chambre des géomètres de Paris, et encore le Président de la Fédération internationale des géomètres. Ascension importante et rapide dans l'estime et la confiance de ses collègues, qu'il doit à sa valeur technique et à ses hautes qualités personnelles. Il en fait d'ailleurs la preuve en formant chez lui d'abord de nombreux élèves, puis en professant à l'école spéciale de Travaux Publics et plus tard à l'Institut de Topométrie au Conservatoire nationale des Arts et métiers.

Il prend une part prépondérante à la préparation des textes créant le Diplôme de géomètre-expert du Gouvernement en 1929. Il participe aux multiples jurys d'examens de ce diplôme et aux séances de la commission consultative chargée d'interpréter les textes légaux. Il rédige des ouvrages techniques qui font autorité sur la géodésie, la topographie et la tachéométrie de précision. Comme il est aimable et courtois et toujours prêt à rendre service il est demandé dans de multiples commissions au cadastre, au Génie Rural et par le Service des Ponts et Chaussées.

Je ne saurais abuser du temps qui passe, pour énoncer toutes ses études techniques, tous ses rapports dans les congrès nationaux et internationaux où il a fait apprécier la technique française. Soulignons qu'il avait été désigné comme inspecteur de l'Enseignement technique et avait reçu la croix d'officier d'académie. Sa participation à des manifestations internationales lui valurent le titre de chevalier de la Couronne de Belgique. Sa puissance de travail, son caractère méthodique et ordonné lui permettaient de mener de front non seulement les activités que nous avons ci-dessus soulignées, mais encore la gestion d'un important bureau de Topographie et d'Aéro topographie qui eût à certains moments plus de cent agents. Sous sa direction avertie des travaux de la plus grande importance et du meilleur intérêt y furent exécutés. Citons-en quelques-uns parmi les plus caractéristiques : La Triangulation de l'Ile de la Martinique, la planimétrie à grande échelle de la Région bordelaise, les études des chemins de fer de l'Afrique centrale, les études de routes du Col du Bonhomme et celle qui vient d'être signalée au grand public par son inauguration au Col de l'Iseran.

Philippe Jarre ne s'était pas contenté de l'application perfectionnée des méthodes de Sanguet, il avait su moderniser son activité en y ajoutant les méthodes de la phototopographie en reprenant la direction de la société l'Aérotopographie. Son nom restera également attaché à une originale expérience de mesure de la houle dans le port d'Alger par des relevés cinématographiques. Nous ne saurions énumérer dans le détail les activités d'un esprit aussi plein de compréhension, de volonté que d'amour du métier. Les grandes administrations techniques de l'Etat : Ponts et Chaussées, Institut Géographique national, Cadastre, Génie rural, Reconstruction appréciaient à la fois sa valeur, sa conscience et son jugement et non seulement lui confiaient fréquemment des travaux, mais encore le consultaient pour la rédaction des marchés et le choix des géomètres.

Disons son inépuisable bonne volonté pour conseiller ses élèves, son personnel. Aucun confrère n'a fait plus à cet égard et n'a considéré ses collaborateurs avec plus de bienveillance, ne les a mieux aidé dans les moments difficiles.

Il avait avant tout l'amour de la famille. Je ne connais pas de famille plus unie que la sienne. Au moment de sa douloureuse épreuve inclinons-nous devant Madame Jarre, que nous honorons doublement dans le souvenir de M. Sanguet son vénéré père et dans celui de son mari, qui nous était si cher. Disons la part que nous prenons à la peine de son fils Charles Jarre, Ingénieur des Arts et Manufactures que nous voyons déjà prendre avec maitrise et courage une lourde succession, et nous dirons à toute sa famille les respectueux hommages des géomètres avec leurs vifs regrêts.

RENÉ DANGER

Journal des Géomètres-Experts Français 1946

 

 

Publicité dans le Journal des Géomètres-Experts Français n°24 de novembre 1922 où il apparaît comme directeur des établissemenrs SANGUET, suite au décès de Joseph-Louis SANGUET

 

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