LES MOULINS

Les moulins sont nombreux dans la basse vallée d'Azergues. Un bief prenant les eaux de la rivière à Lozanne permet depuis des temps très reculés d'alimenter, après d'autres, le moulin d'Anse appartenant au château de Messimieux. Sur la rive droite, un autre bief fait tourner la roue de deux autres moulins dont celui d'Ambérieux.

LE MOULIN D'AMBERIEUX D'AZERGUES

Mémoires de moulin d'après le récit de Maurice Ferrand, dernier propriétaire-exploitant minotier.
" A l'origine, la rivière de l'Azergues était composée de deux bras, l'un d'eux fut supprimé pour la création de l'actuelle R.N. 6. Depuis le pont de Morancé, un bief coulait en direction de la Saône passant par le lieudit La Thibaudière (Quincieux), et sous le pont de l'ancienne Route de Paris à Lyon.
Au XIXè siècle, deux moulins fonctionnaient donc avec l'eau de ce bief. Le premier appartenant à la famille Lombard était situé à la Thibaudière (actuellement Ets. Guetty, travaux agricoles).

Le deuxième appartenant à la famille Dupont depuis 1848 et exploité par Pierre Dupont (Maire d'Ambérieux) depuis 1894 était situé à 6 km du pont de Morancé. Les deux propriétaires, d'un commun accord, avaient fait construire un barrage de 80 mètres de large sur l'Azergues. Chaque moulin avait une vanne qui était actionnée conjointement suivant le débit et les besoins des moulins. L'entretien du bief était assuré par les employés des moulins (curetage tous les 3 ou 4 ans).
Le moulin d'Ambérieux fonctionnait également à la vapeur jusqu'en 1919 environ, date d'arrêt de son utilisation. Le fonctionnement de la roue hydraulique produisait 11 chevaux de puissance en hiver et 4 chevaux en été.
La capacité de production était de 100 quintaux par 24 h.
La roue hydraulique à aubes entraînait un système composé de deux roues horizontales, l'une placée dans le sous-sol su moulin, l'autre au plafond par l'intermédiaire de la verticale qui alimentait deux meules (l'une panifiable et l'autre pour les céréales secondaires). Les dents de chaque roue étaient taillées dans le buis pour rendre le système moins bruyant. Le système fut électrifié sommairement dans les années 40 par Claude Ferrand, gendre et successeur de Pierre Dupont et en 1953, le petit-fils de Pierre Dupont qui en repris la direction le modernisa en développant l'alimentation par la création d'un transformateur électrique jumelé à celui de la Commune. Le bâtiment fut également agrandi d'un étage afin d'installer un planchistère (dernières installations techniques de l'époque), les meules furent remplacées par des broyeurs à cylindre, etc.

vers 1903, le moulin d'Ambérieux.

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Les fournisseurs, exploitants agricoles de la région apportaient directement leur récolte de blé à traiter jusqu'au début des années 60, date à laquelle le système des coopératives fut instauré.
La concurrence avec les grands moulins devint de plus en plus sévère ... L'ère des petits moulins touchait à sa fin ... Un siècle en arrière, 74 moulins étaient répertoriés dans le département du Rhône. Dans les années 70, on n'en comptait plus que 3.
Le moulin d'Ambérieux cessa définitivement son exploitation en 1972. Dans les locaux désaffectés, une entreprise de déconstruction automobiles s'est installée.
Pour l'anecdote, près du pont construit en 1704 (date gravée sur l'arche, pierres gravées aux initiales des bâtisseurs); jouxtant ce moulin, une maison en pisé abritait un relais de poste (anneaux d'attelles pour les chevaux scellés dans les pierres du pont encore visibles). A cette époque, l'ancienne route de Paris à Lyon passait sur ce pont et se poursuivait par l'actuelle chemin du cimetière d'Ambérieux... Le bruit court que Napoléon y passa et séjourna au relais ... "
Maurice Ferrand

LE MOULIN D'ANSE

Si le moulin d'Ambérieux est resté fidèle à sa vocation jusqu'à la fin, celui d'Anse a une histoire plus mouvementée. Il fonctionne comme moulin à grain avec ses deux roues hydrauliques et lui aussi sa machine à vapeur jusqu'en 1903.
Cette année là, le 17 novembre, Léon Jacquemaire, pharmacien de Première Classe à Villefranche et propriétaire du château de Messimieux, donne à bail le moulin pour 30 ans à partir du 1er mai 1904, à un certain Antoine Duvernay, électricien à Paray-le-Monial.
Ce dernier a obtenu trois jours auparavant, de la commune d'Anse, la concession pour 30 ans de l'éclairage électrique des rues et des bâtiments communaux.
Avant cette technique révolutionnaire, il faut rappeler que l'éclairage public est installé en 1878 par l'entreprise Maris et Besnard de Paris, à l'aide de 13 réverbères au gaz. Le montant de 1.212,50 francs est réglé à raison de 700 fr. en 1878 dont 180fr. de souscription du maire (Claude Antoine Régipas), de l'adjoint, des conseillers et de deux propriétaires : du Jonchay et Gillet, rentier. Le solde est réglé en 1879 et un contrat d'entretien est passé avec Advinin, ferblantier.
La concession d'éclairage électrique prévoit que l'installation doit être effective avant le 1er novembre 1904. Les canalisations électriques passeront sur les toits des maisons à l'aide de poteaux ou de consoles. Le réseau doit comporter 57 lampes de 16 bougies qui doivent rester éclairées de la tombée du jour à minuit et de 4 h au lever du jour. L'éclairage se prolongera toute la nuit, dix fois par an, pour les fêtes publiques.

La commune participe pour 30 fr. par lampe. Les bâtiments publics auront droit à des lampes de 10 bougies. La facturation se fera à raison de 7 centimes l'hectowatt. Le courant continu sera de 140 volts. Pour les particuliers qui désirent s'éclairer, la participation forfaitaire sera annuellement de 36 fr. pour une lampe de 16 bougies, 24 fr. pour 10 bougies et 12 fr. pour 5 bougies.
Le hameau de Graves sera alimenté lorsque le voltage sera porté à haute tension, à condition que 50 lampes soient prévues. (La réalisation ne se fera qu'en 1913, en 120 volts, lorsque le réseau de Villefranche passera par la route des Crêtes).
Antoine Duvernay baisse les bras et vend la concession à la Société Nouvelle des Accumulateurs Simplex de Lyon, le 1er août 1904. Les associés en sont Crozet, Roux et Chevalier ingénieurs électriciens. La commune profite de la cession pour réclamer en plus, le lendemain, 5 lampes de 10 bougies et prévoir l'installation d'un voltmètre aux écoles pour surveiller la tension du réseau (ce voltmètre est toujours en place sur la façade du bâtiment de l'école Marcel Pagnol, côté place publique).
Fin septembre, la société demande l'autorisation de fabriquer sur place ses accumulateurs. L'autorisation est donnée à condition de ne pas faire de déversement d'acide dans le bief.
Le 30 septembre 1904, Eugène Bussy, le maire, réceptionne l'éclairage public de la ville et de l'hospice.

Le 15 juin 1906, Léon Jacquemaire donne l'autorisation de vendre les deux roues hydrauliques et la machine à vapeur contre l'installation de moteurs électriques de valeur équivalente soit 3.000 fr. pour une force de 15 chevaux.
Mais le 14 mai 1907, la société qui ne compte plus que Dominique Chevalier, est mise en liquidation judiciaire.
Les installations comprennent en principal :
- une machine à vapeur à condenseur de marque Piguet de Lyon de 50 chevaux,
- une dynamo Thomson-Houston de 150 ampères sous 170 volts,
- une autre de 45 ampères sous 220 volts,
- une turbine double,
- une dynamo marque Amondruz de 75 ampères sous 165 volts,
- 40 poteaux avec isolateurs, 102 consoles, 11 km de fil conducteur,
- 63 lampes de ville et 47 compteurs chez les abonnés, etc. ...

le moulin d'Anse vers 1890

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La mise à prix de la vente aux enchères est de 35.000 fr.
L'affaire est adjugée 35.100 fr. à Auguste Smard, comptable à Anse pour le compte d'André Bertrand demeurant avenue de l'Hippodrome à Guatemala-City en Amérique Centrale.
7 mois et demi plus tard André Bertrand, sans doute déçu par ce placement peu rentable, cède l'affaire à Louis Albert dit Lucien Biard, ingénieur des Arts et Métiers, pour 35.000 fr. payables jusqu'en 1915 à 4% d'intérêts.
En 1912, l'électricité vient de la station génératrice de Villefranche et le courant passe en 150 volts alternatif.
La gestion est dévolue à la Société de Distribution d'Energie Electrique du Rhône, puis, en 1937 à la Société du Gaz et d'Electricité du Sud-Est.
Entre temps, le moulin sera démantelé, il n'en restera plus qu'une petite dépendance. Même le bief sera détourné lors du remembrement des terrains environnants.

suite : la scierie Bertrand